ORGANISER LA RÉSISTANCE

La création d'organisation internationales de résistance


Le rapprochement des groupes nationaux doit d’abord surmonter la méfiance envers les Allemands qui tiennent la plupart des postes de fonctionnaires. 

Pour beaucoup de détenus étrangers, « un Allemand reste un Allemand ». 
Il faut dire que beaucoup de détenus politiques allemands ont été pervertis par leur longue présence dans les camps. 

 Dans ce contexte, les détenus politiques autrichiens occupent une place particulière. Considérés comme racialement allemands par les SS, ils peuvent plus facilement accéder aux postes de responsabilité. 

En revanche, les Autrichiens enfermés dans les camps se considèrent comme des victimes de l’Allemagne nazie. 
Ils organisent donc leur propre groupe de résistance, ce qui les rapproche des autres détenus européens. 

L’élément déterminant est finalement la présence de communistes issus de tous les pays dans tous les camps. 
La culture internationaliste des communistes permet de surmonter les différences nationales et de nouer des contacts rapidement. 
C’est donc autour des organisations communistes, les plus anciennes dans les camps, que s’agrège ce qui devient progressivement des comités internationaux.

Un comité international clandestin est créé à Buchenwald à l’été 1943, sous la direction de communistes allemands. 
Walter Bartel, arrivé à Buchenwald en 1939, en est le chef jusqu’à la libération du camp en avril 1945. 

A Dachau, le comité se structure autour des communistes autrichiens, plus nombreux, plus expérimentés politiquement et renforcés par l’arrivée de brigadistes autrichiens en mai 1941. 

A Auschwitz, l’autrichien Ernst Burger dirige un groupe clandestin avant la fin 1942. D’autres groupes isolés apparaissent au début 1943. 
En mai 1943, à l’initiative du groupe autrichien, une organisation internationale antifasciste est mise en place, considérée comme seule capable de lutter contre les Allemands : 
le Kampfgruppe d’Auschwitz est composé de détenus de diverses nationalités où les communistes sont très peu nombreux (les dirigeants en sont les Polonais Cyrankiewicz et Holujd, les Autrichiens Burger et Langbein).

La constitution  de ces comités est l’objet de discussions. 
Les responsabilités sont réparties après d’âpres négociations. 
Certains craignent qu’une structure internationale rende difficile le maintien du secret nécessaire et facilite la répression. 

Beaucoup préfèrent privilégier les organisations nationales. 

A Mauthausen, le comité international n’est constitué qu’en mars 1945, dirigé par un Autrichien transféré d’Auschwitz, mais une organisation militaire, dominée par les communistes, surtout espagnols, existe depuis l’automne 1943. 

Par ailleurs, on reproche aux responsables des organisations clandestines de protéger certains déportés au détriment des autres, en oubliant que les détenus fonctionnaires ne sont pas à l’origine des règles qu’ils ont la charge d’appliquer et qu’ils n’envoient personnes à la mort mais tentent seulement de sauver les hommes ou les femmes qu’ils connaissent.



Les premiers actes de résistance 


En arrivant dans les camps, après avoir passé le choc de l’arrivée, les premiers détenus, hommes et femmes, doivent s’entraider et s’organiser pour rester le plus longtemps possible en vie. 

Pour cela, même s’ils sont pour le plus grand nombre d’entre eux antinazis et, majoritairement, des communistes, ils doivent surmonter d’abord leurs divergences liées à leurs origines, leurs confessions et leurs opinions. 

A partir de l’année 1936, c’est toute la société allemand qui est enrôlée à marche forcée dans la préparation de la guerre, puis les nazis décuplent la répression et désignent comme « ennemies de la communauté allemande » de nouvelles catégories qui sont internées, à leur tour, dans les camps : « délinquants », « réfractaires au travail », « asociaux », « homosexuels », « témoins de Jéhovah », « Tsiganes », « apatrides », « Juifs », etc. Dans cette période d’avant-guerre, un ensemble de conditions particulières sont réunies pour que se développent des résistances dans les premiers camps. 
La majorité des détenus parlent allemand, ce qui facilitent la communication et la compréhension. 
Certains, non sans risques et sans difficultés, peuvent obtenir quelques informations de leurs proches et de leur famille. 

Durant cette période d’avant-guerre, l’espoir de recouvrer la liberté subsiste, les dirigeants nazis ont duper les gouvernements démocratiques et leurs opinions publiques en libérant à grand renfort de propagande des opposants et des juifs internés, à qui ils permettent de partir en exil après le paiement d’une forte rançon. 

Tous ces détenus soumis à l’arbitraire sans limites des SA puis des SS, font le constat immédiat de l’inutilité des formes de protestations traditionnelles et individuelles. 

Répondre aux insultes, esquiver les coups, entamer une grève de la faim, et tous ces moyens de protestations ne servent à rien, c’est s’exposer à une violence plus grande encore, voire signer sa condamnation à mort.

  En déjouant l’espionnage de la Gestapo et de ses mouchards, les détenus politiques, unis par une forte culture d’organisations et de solidarité héritée de leur militantisme passé, créent et structurent des organisations clandestines de résistance.  

Ces organisations de résistance ont pour but de soutenir le moral et de préserver la vie de tous  (partager le pain, inclure les faibles dans de « meilleurs » Kommandos, faciliter les évasions etc.) Grâce à toutes ces organisations, de nombreuses vies ont pues être sauvées.


Témoignage de David Perlmutter, enfant à Buchenwald


Photo prise à la libération du camp par les Américains. 
Don de David Perlmutter.

David Perlmutter raconte comment la résistance a permis de sauver les enfants du camp de Buchenwald. 
Elle était très organisée, et a réussi à supplanter les prisonniers de droits communs à la tête des blocks, et à sauver de nombreuses vies. 

Voir l'article "Aider, sauver des vies"

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Jean-Louis STEINBERG témoigne de son entrée en résistance à Auschwitz : 

Je ne suis resté dans le kommando que quelques semaines. Beaucoup mourraient, de faim, d’épuisement, mais je n’ai jamais perdu espoir. 

Je suis d’un naturel optimiste, et j’ai eu le contact avec les résistants du camp. 
J’en ai tiré le sentiment de faire partie d’un groupe uni dont je ne connaissais que trois membres mais dont je savais qu’il faisait tout ce qu’il pouvait pour s’opposer aux SS. 

Ma rencontre avec la résistance

Le 20 juillet, j’ai rencontré au travail un Français : Alfred Besserman. Je n’ai pas pensé que ça pouvait être un espion SS. 

Il m’a questionné et je lui ai dit que j’avais milité pour le parti communiste français. Il m’a fixé un RDV devant son block, le soir. 

Il m’a emmené promener sur le grande avenue du camp, et là il m’a décrit toute la structure sociale du camp, toute la hiérarchie : qui est chef de quoi, à qui on peut parler, qui étaient les brutes, ceux avec qui on pouvait parler, ceux dont il fallait se méfier. C’était très important de connaître cette répartition du pouvoir, pour survivre. 



Il m’a dit qu’à Birkenau on massacrait les Juifs. Je l’ai cru à ce moment-là, car quand le vent soufflait, on sentait l’odeur de chien brûlé. 

Il m’a incité à rejoindre la résistance du camp. Ce fut une grande marque de confiance. Cette organisation avait été formée par les premiers déportés politiques allemands et autrichiens anti nazis, et que les Français avaient eu du mal à être acceptés à cause de la non implication du gouvernement Français dans la guerre civile espagnole, en 1937.

L’organisation du camp était en liaison avec la résistance polonaise qui disposait de postes radio, d’émetteurs-récepteurs, et qui avait donc les moyens de communiquer de camp à camp, et avec Londres et Moscou. 

Mais il a exigé une série de conditions à mon engagement : 
- Refuser de devenir une loque humaine ou un « insecte nuisible », je devais donc rester propre physiquement, même si l’eau manquait ou était froide, je devais me frotter la peau à sec et gratter la crasse. Je devais refuser de devenir l’animal que les Allemands voyaient en nous. 
- Interdiction de faire du trafic avec les kapos
- Interdiction de parler constamment de nourriture, car c’est ce que voulaient les SS : nous avilir en ne pensant qu’à la faim, et à rien d’autre.
- Travailler avec les yeux : en faire le moins possible sans être vus par les SS ou les contremaîtres. Comme je parlais anglais, je devais le dire aux prisonniers de guerre britanniques qui travaillaient à l’usine.
- Ne pas admettre de compétition entre les déportés de différentes nationalités. Les Allemands nous montaient en effet les uns contre les autres, nous mettaient en compétition, Polonais contre Français, pour qu’on travaille mieux et plus vite. 
- Redonner les cigarettes que je pouvais recevoir, afin de s’en servir comme monnaie d’échange.


La seule manière de résister, c’était de refuser à tout prix le sort qui nous était imposé. 
J’ai essayé de tenir au mieux ces engagements, je n’étais plus seul, et c’était une raison de vivre inestimable. 

La résistance du camp avait acquis du pouvoir. 
Il y avait une commission qui s’occupait de l’hôpital, le Revier. Or, si l’on partait au Revier, c’était la mort assurée. L’organisation avait convaincu un certain nombre de médecins de refuser de travailler à ça. 

Une autre commission devait créer des équipes de travail. La résistance m’a ainsi sorti de l’équipe de travail de force dans laquelle je me trouvais et je me suis retrouvé dans un kommando à la Buna, l’usine de l’IG Farben, en tant que serrurier. 

Usine IG Farben de Buna Monowitz

J’étais à l’abri, même si l’atelier était traversé par le vent, et il y avait un peu de chauffage. C’était bien mieux que dehors. 
J’y fabriquais des pièces métalliques, des étriers de fer, qui servaient à fixer entre eux des tubes de un cm de diamètre.  
J’essayais d’en faire le moins possible, de travailler le plus lentement possible. 
Un jour un SS m’a surpris en train de ne rien faire, il m’a giflé tellement fort que je me suis écroulé par terre. J’ai eu de la chance, quelques mois plus tôt il m’aurait sûrement tiré une balle dans la tête. 

On avait aussi des camarades dans les cuisines du camp. 
Ils continuaient à attribuer des rations de soupe à ceux qui étaient morts dans la journée, pour les redistribuer en plus aux déportés. 
Une fois par mois j’ai touché une ration de soupe supplémentaire. 



On avait là la preuve que l’organisation fonctionnait, qu’elle était forte, et cela renforçait notre espoir. 

J’ai quelques-uns de mes camarades qui se sont évadés, mais pour cela il fallait absolument parler polonais et avoir des contacts. Moi, je ne parlais pas polonais. 

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Voici des objets et documents exposés au musée de la résistance nationale de Champigny : 

La résistance s'organise, se réunit, et fabrique des convocations : 


Convocation à une conférence d'information du camp de Dachau, le 3 mai 1945, par la cellule du parti communiste de Dachau. 
Don de Marcel Saintin.



Echoppe à gravure, camp de Buchenwald.
Etui à lunettes contenant l'échoppe fabriquée clandestinement par Pierre Provost. Cet outil servait à fabriquer de faux tampons pour de faux certificats permettant l'obtention de repas supplémentaires pour les plus affaiblis.
(fonds Pierre Provost)
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Texte manuscrit du Comité des Intérêts français écrit au camp de Buchenwald par ses membres : 

Cette déclaration propose une collaboration étroite entre le comité français et les autres collectifs du camp, notamment soviétique et allemande. 

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Notes manuscrites provenant du comité des intérêts français au comité allemand. 
Le but de ces requêtes était d'améliorer l'organisation du camp, principalement dans la distribution de la nourriture, les places au Revier, les entrées au Revier : 








Liste des membres du comité français :